Odile-Grosset-Grange-Jimmy-et-ses-Soeurs

Le Mag

Ces Femmes ont le premier rôle

La Compagnie de Louise s’interroge sur la place de la femme dans sa dernière pièce, en représentation à La Rochelle. Rencontre avec sa metteuse en scène, Odile Grosset-Grange

Texte : Anne-Lise Durif

« Jimmy et ses sœurs », la dernière pièce de La Compagnie de Louise, est en représentation du 21 au 24 mai à La Coursive de La Rochelle. Sa metteuse en scène, la Rochelaise Odile Grosset-Grange en explique la genèse.

« Le Mag » : Pourquoi ce sujet ?

Odile Grosset-Grange. Tout est parti d’une de mes propres interrogations, à la suite de ma dernière création, « le Garçon à la valse » (2017). JE le suis rendu compte qu’au théâtre comme dans la littérature, y compris pour la jeunesse, le héros est généralement masculin. Les filles y sont les copines, les mères, les partenaires, mais rarement le héros de l’histoire. C’est une non-représentativité que l’on retrouve dans la société : à l’Assemblée nationale, à la tête des grandes entreprises, etc. Paradoxalement, les filles n’ont aucun problème pour s’identifier à des héros masculins, alors que l’inverse est compliqué pour les garçons. Pourquoi ? Et surtout, qu’est-ce que cela signifie pour nous, homme ou femme, en termes d’identification, de la place que nous nous accordons dans notre société ? A mon sens, cela poste un vrai problème, aussi bien aux femmes qu’aux hommes, car cela n’incite pas ces derniers à se représenter dans des valeurs dites « féminines » comme la compréhension de soi, l’empathie, la sensibilité.

La pièce a été écrite par un auteur anglais, Mike Kenny. Pourquoi lui avoir passé commande pour aborder ce thème ?

Je ne voulais pas refaire une pièce sur les violences faites aux femmes ou abordant les questions du genre, dont les écrits sont déjà nombreux. Je ne voulais pas non plus rattacher la problématique à des questions de religion, ni l’aborder en opposition avec les garçons. N’ayant pas trouvé ce que je cherchais, j’ai pensé à Mike Kenny, avec lequel j’ai souvent travaillé. Avant qu’il passe à l’écriture, nous avons échangé plusieurs mois autour de nos propres lectures et réflexions sur le sujet. Lui dit avoir été inspiré en particulier par le film « Mustang » (2015) de Deniz Gamze Ergüven, et le livre « The Underground  Girls of Kabul », de Jenny Nordberg, sur les « bacha posh », ces petites filles, afghanes ou pakistanaise, que leurs familles sans fils déguisent et considèrent comme des garçons jusqu’à leur puberté, avant de les assigner à la maison et aux taches domestiques.

Pourquoi avoir décidé que tous les rôles, y compris masculins, seraient joués par trois femmes ?

En premier lieu parce que ce sont les trois sœurs qui racontent leur histoire, donc elles jouent aussi les rôles du père et du meilleur ami. Ensuite pour montrer que, d’un point de vue théâtral, on peut jouer des rôles de garçons à des filles et constater que ça fonctionne. En ce sens, on prend le contrepied de toutes ces cultures – je pense notamment à l’époque de Shakespeare – où tous les rôles étaient tenus à des hommes, les femmes n’ayant pas le droit de jouer.